La Passeuse de Mots d’Alric et Jennifer Twice
18 heures
easy
« Je t’observe depuis que tu as l’âge de lire et venir fureter dans mes étagères, les doigts pleins de confiture. Tu traites ces objets comme des personnes. Certains discutent avec leur chat ou leur plante, toi, tu parles aux livres. J’envie ce lien profond que tu entretiens avec les mots. » À la lecture de ces mots, je n’ai pu m’empêcher de sourire tant ils reflètent mon amour pour les livres. Ils ne sont jamais très loin, mots comme livres, dans ma besace ou dans ma bibliothèque, patientant que je les ouvre de nouveau ou pour la première fois. Mais ce livre lèvera le voile sur le fabuleux pouvoir qu’ils détiennent sur nous et plus particulièrement sur Arya Rosenwald. Découvrez ci-dessous l’avis de lecture sur La Passeuse de Mots, tome 1 de Alric et Jennifer Twice.
Note : ⭐️⭐️⭐️⭐️ / 5
Genre : Young Adult
Cycle : La Passeuse de Mots
Nombre : Tome 1
Auteur : Alric et Jennifer Twice
Edition : Hachette Roman
Couverture : Vaderetro
Nombre de pages : 733 pages
Résumé :
Dans le royaume de Hélios, les mots ont un pouvoir. Celui de créer, d’équilibrer, puis de détruire le monde. Lorsqu’on les prononce, aucun retour en arrière n’est possible.
Arya, une jeune fille de la capitale, est passionnée de livres. Elle en dévore chaque mot. Mais elle est loin de se douter qu’elle est la clé pour sauver son royaume, le seul qui ait restreint l’utilisation de la magie grâce à un traité. Un traité qui ne plaît pas aux rebelles, prêts à tout pour l’éradiquer.
À l’aube des changements qui s’annoncent, les Mots se réveillent pour établir l’ordre dans le chaos, la vérité dans l’illusion.
Ils attendent leur Appel. Celui de la Passeuse de Mots.
Thèmes :
Fin de la fête
En ouvrant les portes de La Passeuse de Mots d’Alric et Jennifer Twice, vous flânerez dans les rues chatoyantes et festives d’Hélianthe, capitale du Royaume d’Hélios et berceau du traité Gallicia. Ce bout de parchemin, écrit il y a une vingtaine d’années par l’actuel monarque, limite et entrave l’utilisation de la magie, afin de garantir une certaine sécurité et stabilité dans le royaume. Ça partait vraisemblablement d’une bonne intention. Mais depuis sa mise en place, ça crée un peu de tension à l’intérieur du royaume et aux abords des frontières.
Avec les années, on en vient à douter de l’utilité de ce traité, vu comme archaïque par les dissidents et par Aïdan, le benjamin de la fratrie royale. Après avoir envoyé une tatane bien méritée à son dernier, tant le gamin est détestable, le roi déclare les festivités ouvertes, auxquelles Arya et sa mère – pâtissière attitrée de la cour – participent avec joie. Et alors que la cérémonie commence, des Soldats de Verre attaquent le château ainsi que tous ses occupants…
Une entrée maladroite…
Arya parvient à s’enfuir mais se retrouve seule. Elle perd du jour au lendemain son foyer, sa famille, et le sentiment de sécurité. Même son Aïdan antipathique à souhait. Mais lui ne nous manquera pas, pour le coup. Tout cela remplacé par la destruction, la peur, la mort et ces Soldats de Verre, sortis de nulle part et dont on ignore les intentions.
Bien que courte et incomplète, j’ai trouvé la situation de départ plutôt intéressante mais on en s’éloigne dans la suite du récit. Un personnage-dont-je-tairais-le-nom révèle la véritable nature d’Arya et lui intime de partir en quête de mots cachés et disséminés à travers le royaume afin de sauver ce dernier. L’urgence, le contexte et le besoin de retrouver ses proches passent tout à coup au second plan. Elle s’interroge sur les raisons de l’attaque, tente d’y voir une logique mais elle ne cherche pas à enquêter, à comprendre l’origine, à découvrir des indices, etc.. Alors que sa famille qu’elle aime profondément est menacée. Elle perd tout et on a presque le sentiment que cette perte n’est pas si importante.
Arya se jette corps et âme, et aveuglément dans une mission dont elle ne comprend pas encore la portée ou le sacrifice demandé. Elle fait confiance à ce personnage-dont-je-tairais-le-nom puis en Killian, très facilement, très rapidement, suit et obéit docilement. Est-ce surprenant ? Oui. Maladroit ? Peut-être. On sent un lien entre la quête et la situation initiale, mais lequel ? Quant à savoir comment elle pourrait y parvenir et en quoi son don permettrait de sauver le royaume, les explications m’ont parues floues.
…mais une aventure solide et originale
Passé ce trouble, et à peine sortie du saule pleureur, la quête initiatique de la Passeuse de Mots peut commencer. Et là, mes chers apprentis, j’ai savouré pleinement la mécanique proposée autour des Mots. « Les mots ont un pouvoir » prend ici tout son sens. Le pouvoir de sauver, de guérir, de détruire, de rassembler, de toucher, de renforcer. Les Mots apparaissent personnifiés comme s’ils avaient leur propre personnalité, faisant d’eux des personnages à part entière. Tantôt ils viennent à elle, tantôt c’est elle qui les trouve. Seule dans cet apprentissage, elle tâtonne et tente de les maîtriser, autant que ses émotions décuplées grâce à eux.
Afin de débusquer et parfois de délivrer ces Mots, vous traverserez bon nombre de bourgades, mélangeant les styles et presque les époques. A Bellevue, vous aurez la chance de pousser les portes de la Banque de Corndor dans un centre-ville qui n’est pas sans rappeler les attelages et les hauts de forme du 19ème siècle. Au Val de Fer, dans la demeure aux allures d’hôtel transylvanien de Lesath ; vous trinquerez avec les Dhurgals, des créatures débridées ayant un goût prononcé pour l’hémoglobine. Et puis, vous prendrez la mer à bord du Narcisse, vous danserez avec l’équipage du Capitaine Virgo frappé par une malédiction, puis vous vous prélasserez sur les berges de la Cité Immergée.
Si la course folle de nos protagonistes s’enchaîne à un rythme effréné, vous faisant au passage tourner aisément les pages de ce roman, soyez assurer que des moments propices aux échanges et à la réflexion sillonneront votre route.
« Pour moi, le temps est un concept barbare. Il se définit par le nombre de livres dévorés et les aiguilles correspondent aux pages qui se tournent dans un bruissement familier et apaisant. »
Un duo, bizarrement, bien assorti
Pour faire une bonne aventure, il faut de bons personnages. Prenez une douce rêveuse animée d’une curiosité insatiable, un mystérieux voleur à la verbe aussi drôle que piquante, un général paternaliste en quête de rédemption et un galant Dhurgal domestiqué, et vous aurez alors un merveilleux et imparfait quatuor. La narration, qui se fait à travers les yeux d’Arya, arrive à contrebalancer les trois grands dadais abîmés, qui parfois l’étouffent (et nous étouffent) à vouloir sans cesse la protéger des autres membres du groupe. Peut-être que leurs rôles vous paraîtront caricaturaux et leurs répliques parfois un poil trop romanesques ou répétitives. Pour moi, ces petits à côté n’empêchent pas d’apprécier la plume fluide d’Alric et Jennifer Twice, dont La Passeuse de Mots est leur premier roman. Je leur dis chapeau !
Passant les pages, je ne cessais de sourire devant les chamailleries entre Arya Rosenwald et Killian Nightbringer, leurs espiègleries et leur complicité évidente. Arya, qui ne voyait le monde qu’à travers ses livres, semble bien petite du haut de ses dix-neufs ans face à ce monde menaçant, et cette responsabilité placée sur ses épaules. Alors oui, Killian la bouscule à sa manière, sans répit et sans pitié, mais il l’a fait évoluer la rendant moins dépendante des hommes et moins fragile. Le voleur fait clairement la richesse du livre.
Avec ce roublard, les deux auteurs nous ramènent ici aux origines du voleur, celui du désert et des contes des Milles et Une nuit. Son orgueil et son efficacité amusent autant qu’ils agacent, protégeant Arya aussi férocement que son identité et son passé. Une belle étoile qui brillera sans conteste de plus en plus fort, éclipsant malencontreusement nos deux compères restants, Alric et Saren.
Ce dernier m’a le moins convaincu. Général de l’armée d’Hélios, sur le point de partir à la recherche des princes disparus, celui-ci met sa mission de côté pour suivre Arya. Il va même jusqu’à braquer une banque, parce qu’une quête initiatique, bah ça coûte un bras. Si ses choix m’ont paru anormaux au premier abord, je flaire tout de même la petite infiltration avec trahison à la clé. Tout comme Aïdan qui pue l’escroquerie à plein nez. Nous verrons !
Le mot de la fin
Bon, eh bien, au regard de cet avis, on peut dire que [bavard] et [engouement] ont parlé pour moi. J’ai plongé avec plaisir dans La Passeuse de Mots d’Alric et Jennifer Twice, émerveillée par sa magie sucrée et ses aventures saupoudrés de malices et d’émotions authentiques. Je ne doute pas que la suite, La Passeuse des Mots tome 2, parviendra à éclaircir les zones d’ombres et balayera les doutes quant au potentiel de cette série.
Citations La Passeuse de Mots, tome 1 de Alric et Jennifer Twice
« Pour moi, le temps est un concept barbare. Il se définit par le nombre de livres dévorés et les aiguilles correspondent aux pages qui se tournent dans un bruissement familier et apaisant. »
« Les apparences sont souvent trompeuses, et victimes et bourreaux se confondent facilement. »
« Je t’observe depuis que tu as l’âge de lire et venir fureter dans mes étagères, les doigts pleins de confiture. Tu traites ces objets comme des personnes. Certains discutent avec leur chat ou leur plante, toi, tu parles aux livres. J’envie ce lien profond que tu entretiens avec les mots. »
« La magie se développe en soi, mais ne se garde pas. Elle se partage. La magie n’est pas une marque de supériorité ni le miroir de notre grandeur personnelle. Elle doit au contraire nous rendre humbles. Elle ne doit pas susciter l’envie, mais le respect. La magie ne doit pas être un danger. Elle doit être la protectrice de toutes les âmes qui peuplent Hélios. La magie doit couler dans nos veines, mais pas sur les épées. Elle répare et fait naître. La magie ne creuse pas de fossé, elle est juste et équitable. Elle n’est pas le poids qui fait pencher la balance, mais celui d’un parfait équilibre. Elle n’existe pas pour valoriser un individu seul mais pour élever tout un peuple. Elle est porteuse d’espérance. Elle sert à changer nos faiblesses en force. La magie n’est pas une cassure, mais un lien qui sublime nos différences. La magie doit être modeste et pratiquée dans la tempérance. Chaque pied qui traversera une Frontière et foulera Hélios exercera son pouvoir dans la prudence. Rappelez-vous que pas ou peu de magie vaut mieux que trop, car l’excès est un cheval lancé au galop qu’une seule barrière ne peut stopper, mais que plusieurs peuvent ralentir. Les limites ne sont pas faites pour soumettre ou punir, vous n’avez pas les poings liés, enfants d’Hélios. Vous êtes libres de faire de ces Sept Frontières votre asile et votre foyer. En vertu de ce Traité, vous avez toujours le choix, mais vous ne serez plus sous mon œil. »
« Les livres ne meurent pas, ils restent dans le coeur des gens. »
« Une vie sans mots serait, de toute façon, semblable à une mort. »
« On ne met pas le feu au four avant d’avoir confectionné la pâte. »
« Celui qui prend des risques ira toujours plus loin que celui qui se contente de prendre ce qu’on lui tend. »
« Parfois je me sens idiote, et puis je te regarde et ça va beaucoup mieux! »
« Si je dois agir en tant que conscience, laisse-moi te dire que le pire n’est pas d’échouer mais de n’avoir jamais pris la peine d’essayer. Les erreurs sont une preuve que tu n’as jamais abandonné. »
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