La Horde du Contrevent d’Alain Damasio
30 heures
medium
Le vent se lève, il accentue son souffle à mesure que les pages tournent. Nous manquons de chance. Le furvent se lève. Serrez les rangs, préparez-vous à contrer mes chers apprentis, unissez vos forces, car sans cohésion, sans détermination et sans courage, le vent ne fera qu’une bouchée de nous. Ainsi commence l’histoire de la 34ème Horde et de ses membres qui, un pas après l’autre, à la seule force de leur jambes, avance vers l’Extrême-Amont, où ils espèrent trouver l’origine du vent. Mais le chemin est encore long, semé d’embûches. Tout le monde y croit, ils ont plusieurs années d’avance. On dit que c’est la meilleure Horde qui ait jamais foulé cette lande mouvante. Qu’elle a une chance. Parviendront-ils à traverser Norska, l’abrupte et inhospitalière montagne glacée ? Arriveront-ils au bout ? Qui a-t-il là-bas ? Trouveront-ils les trois dernières formes de vent, dont personne ne connaît l’intensité ? Avancez face au vent et admirez cette fresque grandiose pleine d’humanité. Découvrez ci-dessous l’avis de lecture sur La Horde du Contrevent d’Alain Damasio.
Note : ⭐️⭐️⭐️⭐️,5 / 5
Genre : Science-fiction
Cycle : –
Nombre : –
Auteur : Alain Damasio
Edition : Folio SF
Couverture : –
Nombre de pages : 736 pages
Résumé :
Un groupe d’élite, formé dès l’enfance à faire face, part des confins d’une terre féroce, saignée de rafales, pour aller chercher l’origine du vent. Ils sont vingt-trois, un bloc, un noeud de courage : la Horde. Ils sont pilier, ailier, traceur, aéromaître et géomaître, feuleuse et sourcière, troubadour et scribe. Ils traversent leur monde debout, à pied, en quête d’un Extrême-Amont qui fuit devant eux comme un horizon fou. Expérience de lecture unique, La Horde du Contrevent est un livre-univers qui fond d’un même feu l’aventure et la poésie des parcours, le combat nu et la quête d’un sens profond du vivant qui unirait le mouvement et le lien. Chaque mot résonne, claque, fuse : Alain Damasio joue de sa plume comme d’un pinceau, d’une caméra ou d’une arme… Chef-d’oeuvre porté par un bouche-à-oreille rare, le roman a été logiquement récompensé par le Grand Prix de l’Imaginaire.
Thèmes :
Une quête poétique
Leur quête a commencé il y a tout juste 30 ans, âgés seulement d’une dizaine d’années, quittant leurs foyers et leurs parents, offerts à l’Horde par ceux-là même qui ont contrés le vent avant eux. Ils sont 23 gamins à quitter Aberlass, les meilleurs dans leurs genres, menés par le 9ème Golgoth, un traceur fort et courageux mais ô combien intransigeant et brutal. Vous remarquerez dès que vous le verrez que sa foi inébranlable et son attitude quasi-militaire, assurent la progression, la sécurité et la pérennité du groupe. Si Golgoth les guident, notez bien que ce sont les membres de la compagnie qui le poussent. Car seul, on ne peut rien face au vent. Femmes, hommes, jeunes ou vieux, chacun a son rôle à tenir dans l’Horde, que ce soit au moment de contrer le furvent ou de monter le camp.
Ensemble, on avance plus loin
C’est cette belle dynamique de groupe qui m’a séduit en premier lieu. Lorsqu’ils résistent au vent, le Fer a besoin du Pack, et le Pack des Crocs. Chacun assure la bonne progression de l’autre. À force de tourner les pages, on sent leur unité, le bloc compact qu’ils forment. Moitié frères et sœurs, moitié amant, ce groupe se connaît par cœur mais dont le danger leur révèlera des facettes insoupçonnées. Dans La Horde du Contrevent, on les suit, on apprend à les connaître, et… On a envie qu’ils réussissent. On admire leur ténacité quand ils progressent car ils combattent autant les conditions cataclysmiques environnantes que leur envie de tout abandonner. Et aussi, on partage leur découragement, leur peine, leur peur, leur survie, leur doute aussi. Est-ce que tout ceci a un sens ? Y a-t-il vraiment quelque chose ? Parfois, comme eux on se dit, qu’ils n’y arriveront pas.
Mais avant tout, on s’attache à eux. Comment ne pas apprécier Caracole ? Ce joyeux saltimbanque avec sa verve drôle, au don de voyance déroutant, qui blague à la barbe de ses camarades sur le point de mourir noyer ? Comment ne pas apprécier la croustillante joute verbale, combat de rhétorique, entre le troubadour Caracole et Sélème dans la ville d’Alticcio ? Comment, je vous le dis chers apprentis, ne pas à la fois détester et rire à l’humour noir de Golgoth, lui ce chef si grossier, si bouillant, profondément mysogyne ? Mais à qui il ne nous viendrait pas à l’idée de lui manquer de respect ?
Quant à Erg le protecteur de la Horde, comment dîtes-le moi, ne pas dévorer les pages lors de son combat à terre et dans le ciel avec Silène ? Lui le seul rempart face au meilleur des assassins, qui n’hésitera pas une seconde à décimer la Horde. Lui qui anticipe et calcule les moindres mouvements de ses ennemis doute de survivre au Corroyeur. Je pourrais en citer tant d’autres comme le naïf scribe Sov. Ou Pietro, qui fait preuve de tant de noblesse et de galanterie, le seul qui puisse résister à Golgoth et en sortir indemne. Découvrir cette belle palette de personnages à travers leur quête est sans conteste la clé de ce livre. Chaque paragraphe débute par un symbole, qui correspond à un membre de la Horde. Ainsi le ton change, et on remarque vite comment ils se perçoivent ; tendrement, mais aussi avec mépris.
« Pour tout hordier, avouons-le, les parents mouraient une première fois à six ou sept ans. Lors de la séparation. Ensuite, ils mouraient une deuxième fois, de la main d’un assassin célèbre : l’oubli. Enfin, ils ressuscitaient. Pour les plus chanceux. Ou au contraire ils mouraient une troisième fois. La pire. Celle qui tuait l’espoir réactivité de les revoir. »
Un rude périple
Leur quête devient une véritable épopée, qui m’a fait penser à La Compagnie Noire ou à la Fraternité de l’Anneau. Ils avancent dans des environnements finement décrits. Le désert, les prairies verdoyantes à bord de l’Escadre Frêle, l’interminable marécage dont Golgoth imposera la trace en ligne droite afin de leur faire gagner trois ans de marche, Alticcio, la ville remplie de danger, la montagne glacée et accidentée. Les obstacles auxquels ils font face lorsqu’ils traversent la flaque de Lapsane ont été, pour moi, les meilleurs moments. Petite pensée au coup de tête de Golgoth à la tour Fontaine, le siphon, et la crise de nerf de Callirhoé alors que tout le monde est rincé. Un régal !
La Horde du Contrevent d’Alain Damasio, c’est avant tout un roman intelligent. Cela ne veut pas dire que les romans de cette immense bibliothèque ne le sont pas. Bien que ce ne soit qu’un roman unique, l’auteur a su créer une réelle mythologie autour du vent. Métiers, véhicules, musique,etc.. Tout y passe. On retrouve des mots comme : muages, aérologues, airpailleurs, aerudits, aéromaître, planeurs, éolicoptères, etc.. La thématique pour le moins insolite vous en conviendrez, est un bel hommage à la nature implacable et à la survie de l’être humain.
Concept trop complexe ?
Malheureusement, ce qui fait la force de ce livre en fait aussi sa faiblesse. Cette épopée sublime est interrompue par des passages longs et conceptuels difficiles à cerner notamment sur les chrones. Ces créatures indétectables aspirent les émotions humaines, et se nourrissent du chaos ou de leurs environnements. J’ai eu des difficultés avec la notion de vitesse et de temps complètement altérée par le vif. Ce fut pénible, disons-le clairement.
Et c’est bien cet aspect et non le rebondissement de la toute dernière ligne, qui me laisse un goût amère. Parce que bon, Oroshi qui se réveille un matin en se disant « mais c’est vrai dis donc, à qui vais-je léguer mon savoir sur le vif et les chrones ? » à cinquante pages de la fin et qui étale de grosses couches de théories indigestes, a coupé net l’élan que j’avais pris à dévorer ce livre. Et ça mes apprentis, ce fut franchement dommage.
Le mot de la fin
Il est important, mes chers apprentis, de se rappeler les bons moments, toujours du voyage effectué en compagnie de la Horde et non son arrivée (ou non ?). Je resterai pour ma part à Camp Boban en attendant leurs retours. Ce fut un très bon moment de lecture.
La Horde du Contrevent d’Alain Damasio
« (…) sa musique est une des plus émouvantes qui me soient restées enroulées dans l’oreille, encore maintenant je l’entends parfois, et je l’entends lui qui répétait sa phrase fétiche : « La musique est comme le vent, elle ne s’arrête jamais ; c’est nous qui arrêtons de l’écouter ». »
« Pour tout hordier, avouons-le, les parents mouraient une première fois à six ou sept ans. Lors de la séparation. Ensuite, ils mouraient une deuxième fois, de la main d’un assassin célèbre : l’oubli. Enfin, ils ressuscitaient. Pour les plus chanceux. Ou au contraire ils mouraient une troisième fois. La pire. Celle qui tuait l’espoir réactivité de les revoir. »
« Sans la cordée de secours du macaque, l’espèce de balustrade avec vue sur la mort qu’il avait capelée à cinq mètres du grand saut, les Fréoles pouvaient dépêcher un navire sur Aberlass en disant ; « La horde suivante, siouplait ! La 35, envoyez ! ».
« Lorsqu’on me demandait ce que j’espérais trouver en Extrême-Amont, cette question banale posée mille fois, je répondais maintenant : « J’espère trouver mon visage. Quelqu’un là-haut le sculpte à coup de salves dures. Chaque acte que je fais le modifie et l’affine. Mes fautes le balafrent. Mais peu importe : il se fait ; il m’attend, posé sur un socle. Et je le verrai, comme je vous vois devant moi, comme on se regarde dans un miroir enfin exact. Je verrai ce visage que je me suis fait tout au long de ma vie, juste avant de mourir. Ce sera ma récompense. »
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